Afin de comprendre l’évolution du Gospel jusqu’à sa version la plus contemporaine, un détour historique est nécessaire pour connaître le cheminement musical au fil des décennies. S’il est né dans les églises afro-américaines, le Gospel puise son origine dans le chant Negro Spiritual. A travers cette fresque historique et musicale, nous pouvons comprendre les sources d’inspiration successives qui ont accompagné l’essor du Gospel jusqu’à sa forme la plus moderne :
Le Negro Spiritual : la base
Le Negro Spiritual, chant traditionnel, s’est développé durant la période d’esclavage de millions d’africains déportés aux Etats-Unis, victimes de la colonisation. Un courant musical créatif qui se développa avec les premières paroisses accessibles aux afro-américains, et qui se fera plus tard reconnaître du grand public comme ayant été un vrai mouvement créatif et libérateur.
Après la Guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, le Negro Spiritual se développe et influencera de nombreux courants musicaux comme le Gospel son héritier direct, le jazz, le Blues puis d’autres courants musicaux proches de ces tendances. Malgré cette abolition, la ségrégation raciale reste omniprésente pour les esclaves affranchis et le Negro Spiritual se renforce comme étant un chant d’évasion qui ne cesse de trouver de nouveaux adeptes. Il s’inspire principalement du 1er Testament avec une identification des esclaves afro-américains aux Hébreux rendus esclaves par les Egyptiens et libérés par Moïse.
La musique Gospel apparaît alors que les pratiques religieuses s’intensifient au début du XXième siècle et atteint son âge d’or en 1945 chez les protestants avec une originalité et un dynamisme incroyable qui le substitueront progressivement au Negro Spiritual. Le Gospel puise son inspiration dans le Nouveau Testament.
Le Gospel : du Negro Spiritual au Gospel contemporain
Le Gospel sort de l’église et s’ouvre au public
Le Gospel commence à devenir un véritable phénomène dans les années 1930 avec principalement des formations en quartet composés de deux ténors, un baryton et une basse. Ces formations artistiques séduisent progressivement tout le pays puis bientôt le monde entier. Le Gospel accompagne le mouvement des droits civiques et le développement de la culture artistique après la seconde guerre mondiale, en influençant le Rythm’N Blues, le Doo Wop, le Bougie-wougie ou le jazz. Ces courants musicaux sont appelés « musiques profanes » alors que le Gospel reste encore préservé de l’industrie du disque avec une pratique exclusive en lieu de culte.
Avec le succès de groupes comme le Golden Gate Quartet, le Gospel sort peu à peu des églises. La production de titres religieux est accompagnée en parallèle de titres plus marchands à destination des cabarets. Mais une commercialisation du Gospel ne plaît pas à toute le monde, les craintes d’un Gospel éloigné de ses racines sacrées apparaissent rapidement et le Gospel se divise en deux courants qui se côtoient et s’entremêlent : le « Sacred Gospel Music » dédié aux lieux de culte et le « Secular Gospel Music » plus commercial et à destination du grand public.
Entrée du Gospel dans l’industrie musicale
Dans les années 50-60 le Gospel ne cesse d’acquérir aux Etats-Unis de nouveaux fidèles alors que le Blues et le Jazz s’exportent dans le monde entier et que le Funk et le Rythm and blues font leur apparition. Le Gospel sort des églises avec le phonographe qui contribuera à sa diffusion dans le monde entier.
Alors que le Gospel entre dans le circuit de l’industrie musicale et de la marchandisation, les instruments se font de plus en plus de places dans les lieux de culte. Le Gospel se diversifie avec cet emprunt de nombreux instruments. Des Mass Choir se forment dans de nombreuses agglomérations aux Etats-Unis, cette forme musicale avec un chef de chœur accompagné d’une « chorale de masse » rencontre un grand succès dans le monde entier.
Les maisons de disque s’intéressent au Gospel avec des chorales qui bénéficient de plus en plus de moyens. Nombreux artistes Gospel veulent profiter de cet élan commercial pour leur carrière et n’hésitent pas à s’appuyer sur des « musiques profanes » comme le Rock, le Jazz, le Funk ou même l’électro pour atteindre un public plus vaste.
Gospel contemporain : entre authenticité et diversification
Appropriations locales et musicales du Gospel
Le Gospel Contemporain naît dans les années 60 avec des précurseurs qui vont participer à son essor à l’image de Thomas Andrew Dorsey, considéré comme le père du Gospel. Initiateur du Gospel contemporain, il aide à le féminiser en collaborant notamment avec Mahalia Jackson, figure emblématique du Gospel moderne, proche de Martin Luther King. D’autres divas comme Marion Williams ou Rosetta Tharpe concilient les valeurs sacrées du Gospel et une entrée dans l’industrie du spectacle.
Alors que le marché reste concurrentiel aux Etats-Unis, le Golden Gate Quartet tente sa chance en France où le quartet finit par s’installer, un groupe mythique qui collabora avec plusieurs artistes français et contribuera largement à la diffusion du Gospel contemporain, en France et dans le monde entier.
Développement d’un Gospel contemporain
Comme nous l’avons vu précédemment, apparu dans les années 1960, le Gospel contemporain est né de cette diversification du Gospel qui puise son inspiration dans d’autres styles musicaux et profite des moyens de l’industrie du disque. Le Gospel se ramifie peu à peu en une pluralité de courants qui s’approprient le chant et son essence pour y ajouter la culture géographique locale, le Gospel devient en quelque sorte une musique « caméléon », source de nombreuses créations ou adaptations locales. Le Gospel trouve ainsi des « scènes locales » en Europe et dans de nombreux pays d’Afrique où les groupes associent le chant avec leur culture musicale.
Le Gospel évolue avec de nouveaux instruments et inspirations rythmiques à l’image du Country Gospel ou du Gospel Rock dont Elvis Presley reste le plus grand symbole. En plus de ces appropriations locales et musicales, de nouvelles tendances plus actuelles apparaissent progressivement comme le Gospel Rap, Urban Gospel…
Perte d’authenticité ?
Alors que la commercialisation du Gospel en dehors des lieux de culte était pour certains la fin d’un Gospel authentique, sa réinterprétation par d’autres styles musicaux ou locaux entrainent des critiques et de nouvelles craintes d’une perte d’authenticité du chant Gospel attaché à ses valeurs religieuses et à son héritage. D’un autre côté, nombreux amateurs se réjouissent de l’enrichissement du Gospel contemporain et de son ouverture vers d’autres styles musicaux, ce qui permet au Gospel d’acquérir une plus large audience et d’encourager sa créativité artistique. Vous pouvez découvrir ici une belle représentation de la créativité des artistes US Gospel comme Israël Houghton.
Toutefois, si certains jugent que le Gospel perd de son âme et se concentre sur des opinions légères, le Gospel contemporain a entrainé l’émergence d’une vague d’artistes connus mondialement, qui restent véritablement impliqués dans la tradition religieuse, comme le Pasteur Kirk Franklin, Yolanda Adams, Richard Smallwood, Donnie McClurkin, The Blind Boys of Alabama ou le groupe Take 6 et ses instruments vocaux. Ce constat reste propre aux Etats-Unis, le Gospel en France n’étant pas encore entré réellement dans l’industrie musicale et son système de récompense-trophées annuels.
Si le Gospel contemporain ou « modern gospel » s’est diversifié au fil des années avec de nouvelles influences musicales en rentrant dans l’industrie du disque, il ne faut pas oublier qu’il aborde toujours les thèmes propres au Gospel, comme la force de la foi, la douleur ou l’espoir. De plus, derrière les artistes médiatisés du Gospel moderne, une école traditionnelle du Gospel est encore très présente dans le respect du caractère sacré de son interprétation. Gospel Event a récemment pu l’apprécier lors de ses rencontres des chorales locales à la Nouvelle-Orléans, New York, et en Californie.
On constate d’ailleurs une demande forte du public de chant à cappella et des classiques du Negro Spiritual à l’occasion de cérémonies de concerts, mariages, de baptêmes ou d’obsèques. Le Gospel contemporain n’a pas entrainé la disparition des chants Gospel traditionnels qui restent sollicités pour son authenticité. Au final, on peut même ajouter que l’encrage progressif du Gospel contemporain dans l’industrie musicale mondiale, ne fait qu’ajouter plus d’intérêt et de crédit à la beauté et l’intérêt des chants Gospel pour rythmer nos différents moments de la vie.
Gospel Event soutien le Gospel contemporain en produisant des groupes originaux et singuliers.